Les bactéries sont-elles nos amies pour la vie ?  

Il semblerait que les bactéries constituant notre microbiote intestinal soient les nouvelles stars de la science médicale. Pourquoi ? On vous dit (presque) tout…

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Comment ça va la santé ?

Le microbiote intestinal

Saviez-vous qu’en prenant toutes les bactéries qui logent sur et dans le corps humain pour les peser, la balance afficherait un poids autour d’un kilogramme ? C’est à peu près le poids du cerveau humain. C’est étonnant mais aussi un peu effrayant compte tenu de leur curriculum vitae. Pourtant, ces microorganismes vivent en symbiose avec nous. Ils forment ce qu’on appelle les microbiotes, des communautés microbiennes composées de divers membres et nichant à plusieurs endroits sur notre corps : organes génitaux, peau, mais surtout, dans l’intestin. Les bactéries composant notre microbiote intestinal travaillent pour nous (éducation du système immunitaire, digestion de composés, protection contre l’invasion de pathogènes), et en échange elles sont logées, nourries et bien au chaud. Malheureusement, lorsqu’on n’en prend pas soin, la symbiose se rompt et nos bactéries peuvent devenir responsables d’un nombre conséquent de pathologies plus ou moins graves.

L’autoroute colon-cerveau

Le concept d’une autoroute qui ferait l’aller-retour direct intestin-cerveau est plutôt saugrenu au premier abord. Cependant, il s’agit d’une théorie qui est de plus en plus étudiée en biologie et qui a permis d’appuyer l’hypothèse selon quoi l’intestin – et donc, son microbiote – pourrait bien être notre « deuxième cerveau ». Notre cerveau peut transmettre des messages divers à notre système digestif (ex : tu n’as plus assez faim pour cette deuxième part de gâteau). Ce côté de la discussion est bien connu, mais qu’en est-il de l’intestin ? Que peut-il bien répondre au grand contremaître ? Plus encore, comment peut-il affecter la santé mentale d’un individu?

« Prenons une souris anxieuse. Prélevons ses selles et transférons-les à une souris, qui n’est pas anxieuse. La souris qui n’était pas anxieuse devient anxieuse. Nous lui avons donc transmis le caractère anxieux ! » explique ainsi Gabriel Perlemuter, Professeur à l’Université Paris-Saclay, hépato-gastro-entérologue, spécialiste du microbiote et du foie sur lesquels il a publié de nombreux ouvrages.

Comment est-il possible que ces bactéries intestinales modifient ainsi leur comportement ? Selon Gabriel Perlemuter, elles « fabriquent des substances qui vont soit circuler jusqu’au cerveau et modifier son activité, soit agir sur les nerfs qui relient le tube digestif et le cerveau. »

Bien que l’identité exacte de toutes les molécules produites par notre microbiote intestinal ne soit pas encore complètement découverte, les chercheurs savent aujourd’hui que « les bactéries agissent sur les cellules du tube digestif pour leur faire fabriquer certaines molécules importantes dans le fonctionnement harmonieux du cerveau, comme la sérotonine. » La sérotonine est un messager neuronal crucial chez l’humain et plusieurs chercheurs lient ses fluctuations à des troubles dépressifs.

Un exemple plus concret réside dans l’inflammation intestinale. La douleur et les symptômes qui en découlent peuvent être suffisant pour induire de l’anxiété. Selon le Pr Perlemuter : « notre régime alimentaire occidental est riche en sucres et en graisses saturées, et pauvre en acides gras de type oméga-3. Ce type de régime pourrait entraîner une altération de la barrière digestive souvent observée au cours de la dépression : la barrière devient anormalement plus perméable aux bactéries et à leurs toxines, qui peuvent créer une inflammation et favoriser la survenue d’un syndrome dépressif. » Comme on dit en anglais : you are what you eat.

L’alimentation: arme contre le stress ?

Si les bactéries intestinales réagissent différemment selon le type de nourriture que l’on mange, serait-il possible de guérir des troubles mentaux via l’alimentation ? Des tests ont déjà eu lieu, mais avec des probiotiques, soit « des micro-organismes vivants qui, lorsqu’ils sont ingérés en quantité suffisante, exercent des effets positifs sur la santé sur un organisme en bonne santé, au-delà des effets nutritionnels traditionnels » (définition officielle de l’OMS). Ces probiotiques, bien qu’ils se trouvent sous forme de cachets vendus en pharmacie sous le nom de ferments lactiques, peuvent aussi se retrouver dans la nourriture (lait, kombucha, cornichons, etc.).

« Plusieurs études nous ont apporté des réponses intéressantes » se réjouit Gabriel Perlemuter, citant notamment l’exemple d’« un traitement d’une durée de deux mois avec Lactobacillus caseichez des personnes souffrant de fatigue chronique qui a diminué leur niveau de stress comparativement aux patients prenant le placebo »

Bien que ces résultats soient prometteurs, le microbiote intestinal est infiniment complexe et varie d’une personne à l’autre, à l’instar des empreintes digitales. Il est encore difficile de dire si on pourra un jour créer une médecine personnalisée basée sur la composition bactérienne et l’alimentation du patient, mais on l’espère.

Proposition de lecture:

Solar Editions,
mars 2016, 320 p, 19,50 €

Illustration par Melina Cyrenne

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